Pas de doute sur le fait que l’immobilier est beaucoup moins volatile que la bourse. Cependant, tout comme les marchés boursiers, on doit composer avec les aléas de l’économie. Comme lorsqu’il y a pandémie, par exemple !

À la bourse, c’est la confiance des investisseurs qui détermine les montées et descentes des taux. La moindre nouvelle d’importance peut être interprétée, presque instantanément, par son impact sur l’humeur des investisseurs. En immobilier, cela fonctionne grossièrement de la même manière, sauf que, contrairement à la bourse, on ne peut pas tirer de conclusions immédiates sur les chiffres relevés. Cela prend bien plus de temps pour remarquer les impacts liés à une situation “nouvelle” et dresser une tendance vraisemblable sur l’évolution du marché locatif. C’est pourquoi la prudence est de mise avec ce qui suit.

Impact de la COVID-19 sur l’offre et la demande

Alors qu’on pouvait déjà observer au début du mois d’avril quelques répercussions mineures sur les loyers, c’était quelque peu précoce pour arriver à de grandes conclusions, et ce l’est toujours. Néanmoins, après quelques semaines, la progression des courbes nous permet d’émettre des hypothèses plus probables sur l’état actuel du marché.

Une affaire de volume

Voyons les chiffres annuels au Québec : un peu plus de 125 000 appartements sont généralement publicisés durant le premier semestre de l’année. L’apogée se situe durant les mois de mars, avril et mai (40 % de l’offre annuelle à eux seuls). 

Cette année, cependant, la troisième semaine de mars marque un tournant pour le locatif au Québec. C’est à ce moment qu’on peut noter les premiers impacts de la COVID-19: une baisse marquée du volume d’appartements offerts sur le marché. Le graphique ci-dessous nous le montre bien clairement :

 

On voit que tout était au beau fixe sur le marché locatif, avant une chute bien visible des chiffres à la mi-mars : plus de 6000 logements en moins sur le marché comparativement à la normalité. 

Après les deux premières semaines de confinement liées à la COVID-19, faut-il s’inquiéter pour ces appartements disparus? Cela reste à voir! On remarque d’ailleurs sur le graphique que le volume est revenu pratiquement à la normale juste après la date symbolique du 1er avril. Et ce n’est pas une coïncidence. Mais quels facteurs peuvent expliquer ce retour de la mise en marché d’appartements ? Voyons les principales suppositions.

  • Regain de confiance des propriétaires

Comme à la bourse, les propriétaires ont peut-être repris confiance, encouragés par le versement du loyer d’avril. En mars, plusieurs locateurs appréhendaient une catastrophe liée au non-paiement de loyer. Mais on peut penser que la Prestation Canadienne d’Urgence (La PCU) a fait son œuvre. En effet, selon une étude menée par la CORPIQ, les cas de loyers impayés sont passés de 14% pour le mois d’avril, à 9% pour celui de mai. Notons également qu’une mesure d’aide allant jusqu’à 1500$ remboursable et sans intérêt est disponible pour aider les locataires en difficulté.

  • Rétractation de certains locataires censés déménager

Les locataires sont revenus sur leur décision de ne plus déménager. Cette décision avait-elle été prise à la hâte au même moment qu’est survenu le creux de l’offre? Ce serait pour cette raison qu’on ne voit pas d’impact suivant le 1er avril. Le programme d’hébergement temporaire pour soutenir financièrement les locataires en attente de leur nouvelle résidence va assurément contribuer à la rétractation. 

  • Louer en mode “distanciation”

Vu le confinement et les mesures de distanciation adoptées suite à la pandémie, les propriétaires ont fort probablement revu leurs méthodes de location. En prenant toutes les précautions nécessaires, il est tout à fait possible de louer à distance et sans risque.

  • Biens locatifs qui passent du court terme au long terme

Le dernier élément qui vient brouiller les cartes peut se trouver dans la conversion d’anciens Airbnbs. Tout porte à croire que plusieurs investisseurs “du court terme” voudraient revenir à la “location long terme”. Regardons les chiffres: 

Le graphique compare l’offre locative générale avec celle de la location dite meublée du 13 mars au 13 mai entre 2018 et 2020. Tout d’abord, ce graphique confirme bien le manque à gagner de 6000 appartements en 2020 comparativement à la normalité. Mais l’information qui nous intéresse ici est la part qu’occupent les appartements meublés cette année sur l’offre québécoise totale, par rapport aux années précédentes. On remarque bien qu’il y a environ 1000 unités de plus, ce qui équivaut à un pourcentage total avoisinant le quart de l’offre globale.

Cela confirme bien notre hypothèse : cette hausse de logements meublés est vraisemblablement due à la location “court terme” qui revient sur le marché “long terme”. De plus, la conversion des unités initialement de type Airbnb, pourrait justifier pourquoi nous n’avons pas observé une chute soutenue de l’offre totale de logement, tel qu’on l’anticipait.

Restez prudents, les points ci-haut ne sont que certaines suppositions que nous avons identifiées au passage. Néanmoins, nos analyses pointent surtout vers une pause des propriétaires, à un report de mise en location afin d’analyser la situation liée à la pandémie. Après tout, les appartements “à louer” devront tôt ou tard être mis sur le marché. Dès le premier avril, on voit d’ailleurs les chiffres dépasser ceux de 2018 et 2019, ce qui laisse croire que ce manque d’appartements sur le marché sera comblé dans les prochaines semaines. 

Et les loyers, eux ?

Ajoutons une couche de profondeur à tout ceci et regardons comment le tout s’est joué au niveau des loyers marchands. 

Rappelons quelques faits : au Québec, l’offre locative montre généralement une tendance à la baisse du loyer marchand en première moitié d’année. Cela s’explique par l’entrée en scène des loyers plus abordables suivant la non-reconduction des baux. La reprise de la hausse s’effectue d’ordinaire après le premier juillet.  

Mais avec le confinement, nos analyses indiquent le contraire : les loyers sont en pleine progression. Nous avons dressé la ligne au 16 mars : c’est contrastant vis-à-vis les loyers des années 2018 et 2019. Mais si cela semble exceptionnel, l’explication est plutôt logique : les logements qui ont été placés sur le marché sont majoritairement plus dispendieux. L’offre globale est plus faible, mais ce qu’on y trouve est plus cher, comme l’indique le graphique ci-dessous.

Reprenons les pistes de réflexion qui ont été véhiculées précédemment, et voyons leur influence sur la hausse des loyers marchands…

  • Un regain de confiance après le 1er avril ?

Plus le loyer est cher, plus un propriétaire est touché si son bien n’est pas loué ; c’est le coût d’opportunité. Les loyers plus élevés sont restés sur le marché durant la tempête. Après le 1er avril, la tendance à la hausse des loyers s’est poursuivie, et ce, même avec le retour d’appartements plus “bas de gamme”.

  • Rétractation des locataires ne voulant plus déménager ?

On peut comprendre qu’un locataire ayant un loyer abordable puisse revenir sur sa décision de déménager et faire face à l’inconnu. “On sait ce qu’on a, on ne sait pas ce qu’on va avoir”. Plusieurs locataires perçoivent encore mieux la chance qu’ils ont. Nous réitérons tout de même que ceux qui auraient voulu reculer devant le déménagement l’ont probablement signifié en majorité avant le 1er avril. Cela explique donc pourquoi la part de logement plus dispendieux a pris de l’ampleur cette année.

  • Louer en mode distanciation ?

Vu la complexité du processus de location et les faibles volumes offerts, est-ce qu’une certaine “inquiétude” s’est installée ? On pourrait supposer que oui, surtout pour les logements abordables. Un coût d’opportunité plus élevé nécessite vraisemblablement un niveau de créativité plus élevé, ce qui expliquerait en partie la hausse actuelle.

  • La conversion de logements de type Airbnb en location à long terme ?

Le graphique ci-haut explique en partie pourquoi le loyer marchand moyen est en hausse. Nous y observons une augmentation de logements meublés offerts au marché cette année. C’est notamment dû aux unités à court terme, qui sont à la base des appartements plus luxueux et meublés. Ces appartements n’ont donc rien à voir avec les logements de bas ou moyen de gamme et tirent à la hausse la moyenne des loyers. En effet, on remarque que le prix moyen s’élève à 1081 dollars pour l’échantillon meublé, comparativement à 953 dollars pour l’ensemble non meublé. C’est pratiquement 130 dollars de plus, ce qui a assurément un impact sur les statistiques recensées du loyer marchand. 

Des tendances toujours à la hausse ?

Ces 6000 logements manquants durant les deux premières semaines de confinement ont marqué un tournant sur le marché locatif québécois…  Mais voyons le positif, même si le choc économique a été brutal et rapide, notre filet social a été déployé tout aussi rapidement pour contrer les effets de la COVID-19. On perçoit directement les impacts des mesures mises en place sur la remontée de l’offre de logements.

“Face au monde qui change, vaut mieux penser le changement que changer le pansement”

Malgré la tendance haussière du moment qui nous laisse croire qu’un certain rattrapage est en cours, la situation demeure problématique pour les locataires. L’offre actuelle ne contribue pas à pallier au déséquilibre dans le marché locatif, puisque le besoin pour du logement abordable n’est pas comblé…

Ci-haut, conjugué avec les retards dans les livrables de nouvelles unités, augmente la tension déjà omniprésente dans le marché locatif. De quoi nous laisser perplexes quant à une stabilisation à court terme des loyers. 

Par contre, il serait illusoire de croire à une baisse des valeurs des logements à court et moyen terme. La rareté fait sa loi! 

Nous continuerons évidemment à suivre les tendances et à vous informer sur l’évolution du marché. Gardez en tête que le marché est fébrile et que les résultats sont à prendre avec précaution.

Et vous, avez-vous été affecté par la crise?  N’hésitez-pas à nous donner votre avis et à partager vos expériences en nous laissant un commentaire! Restez connecté avec nous via Facebook et via notre blogue pour être informé des dernières tendances sur le marché locatif.
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