Nos statistiques sur la location révèlent une envolée drastique du nombre de logements offerts sur le marché dans les derniers mois. Cette situation est inévitablement annonciatrice d’une augmentation des taux d’inoccupation, puisque tout indique que la demande a du mal à absorber ce flux accru de disponibilité.
Si l’ensemble des RMR québécoises en subissent quelque peu les conséquences, c’est surtout l’Île de Montréal qui en est principalement affectée. Le retour actuel d’offres de loyers gratuits pour promouvoir la location de certaines unités devrait pour conséquent s’accélérer.
C’est tout un contraste avec la situation qui prévalait avant la pandémie, alors que nous étions bien en deçà du taux d’équilibre d’inoccupation de 3% dans la métropole.
Concrètement, si nous comparons les données du 2e trimestre des 3 dernières années, ce que nous avons recensé pour 2020 révèle un surplus de près de 17 800 logements mis en marché au Québec. De ce lot, Montréal cumule à elle seule, 71% des unités affichées, soit environ 12 650 appartements. Si nous faisons abstraction de la grande ville et celle de Québec, pour le reste de la province c’est plutôt un recul de 1 200 biens offerts que nous avons enregistré.
Notons également que la proportion de l’offre provenant de la métropole face à la province est bien au-dessus de ce que nous observons normalement. Si cette proportion est généralement de l’ordre d’environ 40% face à l’offre totale du Québec, elle a culminé vers un sommet en juin dernier, pour atteindre 56% tel que présenté dans le graphique ci-haut.
Qu’est-ce qui a engendré cette soudaine abondance de logement au Québec, et plus particulièrement à Montréal ? Examinons les 3 principaux facteurs que nous avons déterminés et qui viennent freiner la demande de logements.
Exode urbain : un phénomène qui prend de l’ampleur
Le phénomène n’est pas nouveau à Montréal. La ville enregistre des pertes nettes à son bilan migratoire interrégional depuis 2007. Mais la perte de 27 890 résidents enregistrée en 2018-2019 est la plus importante depuis 1992. L’année 2020 détrônera indéniablement cette marque, due entre autres, à la popularité du télétravail et au besoin actuel et généralisé de s’évader des grands centres.
D’ailleurs, dans un sondage réalisé du 14 au 21 juillet 2020, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) dénote que 73% des répondants-commerçants envisagent l’intégration d’un modèle de travail hybride, combinant donc la présence physique dans les lieux de travail avec le travail à distance.
De plus, 30% des répondants de ce même sondage envisagent la réduction de la superficie de leurs espaces de bureau, ce qui aura assurément un impact pour l’immobilier commercial, déjà passablement secoué par la crise en ce moment.
Par conséquent, une réduction des espaces de bureaux occupés entraînera directement une baisse du nombre d’employés résidant dans la grande ville, ce qui nous ramène à nouveau vers un mouvement d’exode des citadins.
La fermeture des frontières
Nous ressentons déjà les effets de l’exode cité plus haut sur la démographie et l’économie montréalaise. Sans voyageurs et nouveaux arrivants qui viennent contribuer de façon significative à la vitalité de la ville, les répercussions ont également leurs conséquences sur l’ensemble du parc locatif de la métropole.
Entre 2011 et 2016, le solde migratoire international net se situait à 155 498, alors que la population n’a augmenté que de 50 495 personnes. L’immigration est sans contredit le principal vecteur de la croissance de Montréal, qui est de loin la terre d’accueil principale pour les immigrants de la province. Notons que 58% des nouveaux résidents admis au Québec entre 2013 et 2017 y habitent toujours et sont pour la plupart locataires.
Un dur coup pour la location à court terme
Le surplus de l’offre actuel est aussi lié en bonne partie à la montée en flèche d’appartements fournissant complètement ou partiellement du mobilier. Pour Montréal et Québec, cette proportion est actuellement de l’ordre de 1 logement meublé offert sur 4. Généralement, nous sommes dans une composition variant de 16 à 18% pour ces marchés.
Nous avions déjà observé une hausse importante du nombre d’appartements meublés offerts en début de pandémie et celle-ci a nettement progressé durant le second trimestre. Selon nos estimations, c’est plus de 6000 unités supplémentaires qui se sont ajoutées à l’éventail de logements.
Cet accroissement provient principalement du retour à la location à long terme de logements de type Airbnb et des locations corporatives non renouvelées par les entreprises internationales.
La chute des taux d’intérêt
Tout comme ce fut le cas dans les dernières années, il était difficile de se trouver un logement au Québec au début des années 2000. Ce qui a largement contribué à la remontée d’unités disponible à la location fut le repli des taux d’intérêt.
Dans un tel scénario, la capacité d’emprunt des ménages augmente et favorise l’accès à la propriété. À ce niveau, les ventes de maisons de type unifamiliales ont explosé au Québec en juin et juillet dernier avec des hausses notables de l’ordre de 44% et 56% respectivement. La pause forcée de l’immobilier en mars et avril n’y est pas indifférente et est venue contribuer évidemment à cette augmentation. Mais en considérant le sommet d’appartement offert atteint durant les 2 premières semaines de juin (11 600 logements), les bas taux d’intérêt appliquent inévitablement une pression sur la location. Notons tout de même que la progression des ventes a été plus forte en région confirmant à nouveau le mouvement d’exode urbain.
La pression exercée par l’exode urbain, la fermeture des frontières et la baisse des taux d’emprunt affectent une grande proportion d’unités mise en location dans les grands centres du Québec, mais surtout à Montréal. Si pour le moment les loyers se maintiennent toujours, il y aura lieu plus que jamais pour plusieurs propriétaires, d’user de créativité afin d’assurer une mise en marché efficace de leurs logements. Sans aucun doute, les loyers gratuits et autres incitatifs pour louer feront partie intégrante du paysage locatif montréalais dans les prochains mois.